Diesel : le cancer de l'Europe ?

Après des années d'étude, l'OMS a classé les émissions des moteurs diesels cancérigènes. Quel pourrait être l'impact de cette annonce?

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Après avoir placé les émissions de diesel dans les cancérigènes probables en 1988, l'Organisation Mondiale de la Santé -via le Centre International de Recherche sur le Cancer- les a placées cette semaine dans le groupe des cancérigènes certains. Alors qu'en Europe le parc de véhicules est majoritairement diesel, cette nouvelle a une portée certaine elle aussi. D'autant plus en France où près de 4 voitures vendues neuves sur 5 carburent au gazole et où le gazole est injustement beaucoup moins taxé que le super sans plomb.

Le principal facteur mis en avant est l'émission massive de particules, plus ou moins fines, par les moteurs diesel. Ce sont les températures de combustion et les taux de compression plus élevées que les moteurs essence qui génèrent davantage de particules. La norme Euro5, en vigueur depuis le début de l'année dernière impose des niveaux de particules plus bas qu'avant pour les moteurs diesels, rendant de facto les filtres à particules obligatoires. Si filtres retiennent la plus grande partie des particules, ils n'en retiennent pas la totalité, et pas les plus fines qui sont les plus dangereuses. Les particules (émises les transports, maus également par l'industrie et le chauffage) seraient responsables de 42 000 morts prématurées. Les moteurs essence produisent également des particules, surtout les moteurs turbo à injection directe, mais les niveaux de particules émis restent inférieurs à la réglementation, sans filtre à particule.
Les moteurs diesel sont également de gros producteurs d'oxydes d'azote (NOx : NO et NO2). C'est cette propension à générer des NOx qui fait que les diesels sont rares aux Etats-Unis et au Japon, où les normes environnementales sont plus restrictives. Le NO produisant sous fort ensoleillement du NO2, et le NO2 est tout simplement un gaz toxique. Les filtres à particule à catalyse (dits aussi sans entretien) augmentent la production de NO2. La prochaine norme Euro6, qui entrera en vigueur en 2015, réduira le niveau de NO2 autorisé, qui restera toujours supérieur à ce qu'on autorise aux moteurs essence. La dépollution des diesels devenant de plus en plus difficile, leur prix devrait grimper, et s'écarter davantage des essence.

Est-ce que ce classement provoquera une réduction significative des ventes de véhicules diesel ? Pas sûr.
Premièrement, c'est malheureux mais un classement en produit cancérigène peut avoir un effet très mince. Le tabac, par exemple, est connu depuis des dizaines d'années comme un facteur de raccourcissement de la durée de vie, et pourtant une grosse partie de la population continue à fumer et le tabac a fait environ 60 000 morts encore l'an dernier en France.
De plus, contrairement au tabac (avec lequel c'est le fumeur qui perd le plus d'espérance de vie), ce n'est pas l'acteur qui est principalement impacté. Ce n'est pas celui qui -en écrasant l'accélérateur- relâche un nocif nuage, qui ensuite le respirera, c'est le cycliste ou l'automobiliste qui le suit, le piéton ou encore le riverain.
Ensuite, l'offre actuelle de véhicules est majoritairement orientée vers le diesel. Par exemple, la compacte la plus vendue en France le mois dernier ne propose 6 combinaisons moteur/boite en diesel contre 2 en essence. Si vous voulez cette voiture en essence avec une boite automatique ou robotisée, passez votre chemin! Si la demande a fait l'offre, l'inverse est aussi vrai.

Mais cela pourrait amener les acheteurs à réfléchir, et pourquoi pas les vendeurs également. Le kilométrage moyen en France était l'an dernier de moins de 12 000km, alors que le seuil de rentabilité financière d'un diesel est généralement situé bien au-delà des 20 000km : Si le carburant est (illégitimement?) moins cher, l'entretien périodique et l'assurance sont plus couteuses. Et les filtres à particules apprécient la circulation urbaine autant que le riverains, c'est à dire très peu. Peut-être les acheteurs trouveront-ils la réduction des vibrations agréable avec un moteur essence, d'autant que les nouveaux moteurs turbo essence sont aussi remplis que des turbo diesel. Ou par peur de trop consommer vont-ils se tourner vers les hybrides et les véhicules rechargeables comme l'Ampera? Là encore, le surcout à l'achat risque d'être difficilement récupérable en économie de carburant.
Le bonus-malus (basé sur les émissions de CO2, qui n'est pas à proprement parler un polluant) a eu un impact psychologique important, favorisant encore l'achat du diesel. Pourtant une différence de quelques centaines d'euros due à un bonus ou un malus est vite effacée par une ristourne.

Va-t-on au devants d'un catastrophe sanitaire ?
Avec une très large majorité du parc automobile français et européen diésélisé, on peut s'en inquiéter. Pour autant, les diesels d'il y a 10 ou 20 ans sont des plus gros émetteurs de particules que ceux des voitures actuellement produites. Il va y avoir un mouvement mécanique de renouvellement du parc pour un parc plus propre qui -à parcours constants- devrait générer moins de pollution. Cet effet seul ne pourra pas faire descendre notre air à un niveau de particules et de NOx similaire à celui que recommande l'OMS. Et les 42 000 morts de l'an dernier pourraient très bien augmenter dans les années à venir.
La comparaison avec les chiffres de mortalité due au tabac sera intéressante. Le tabac est un fléau ancien (bien que si on remonte à l'époque où on utilisait massivement le charbon, les particules étaient nombreuses également), et ne touche à présent qu'une partie de la population : les fumeurs, leurs innocents enfants et leur entourage. On peut remercier en cela les zones non fumeurs, étendues au lieu de travail et que paradoxalement nombre de fumeurs ont étendu également à leur habitation. Bientôt, si elles sont bien faites (assez étendues, avec des restrictions cohérentes), les ZAPA -Zones d'Action Prioritaire sur l'Air-, formeront aussi des espaces où il fait meilleur respirer.
La bonne nouvelle dans l'affaire est sans doute que la pollution des diesels a une inertie assez faible. Baissez le nombre de diesel en circulation, et en moins de quelques années leur pollution s'estompe d'autant. C'est différent des gaz à effets de serre ou des mangeurs de couche d'ozone par exemple dont les effets s'étalent sur des dizaines et des dizaines d'années.

Le nouveau gouvernement (en partie constitué par un membre éminent du plus gros parti écologiste du pays) tiendra-t-il compte de ce nouveau classement des émissions de diesel pour faire évoluer la réglementation ou la taxation et faire reculer le diesel? Les autres pays européens où le diesel est majoritaire réagiront-ils? L'avenir nous le dira.

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Commentaires

je crois qu'il faut être prudent avec ça, car l'essence aussi est cancérigène, le nucléaire aussi, le charbon n'en parlons pas, bref tous les carburants sont plus ou moins nocifs à la santé.

L'essence est néfaste aussi (comme tout moteur à combustion), mais est tout de même moins dangereux que le gazole.
Le benzène par exemple, tant décrié, n'est que très peu produit par les moteurs essence actuels (mais restent les vapeurs encore parfois présentes à la pompe), alors que les particules ultra-fines des diesels le sont toujours, FAP ou pas. Idem pour les NOx même si des solutions commencent à être mises en œuvre pour ces derniers, mais au prix de moteurs nettement plus coûteux. Le GPL et le GNV, eux, sont encore moins nocifs mais ne sont pas encouragés. Le diesel est bien le carburant routier le plus dangereux pour notre santé.
Quant au nucléaire et au charbon, c'est un problème différent qui concerne essentiellement les fournisseurs d'énergie. Mais même en considérant la recharge d'une voiture électrique en Europe, en moyenne, cette auto sera moins polluante qu'une pétroleuse.
Nos gouvernements doivent prendre leurs responsabilités et augmenter progressivement la taxe sur le mazout, voire descendre celle de l'essence (on peut rêver).