Infrastructures : une recharge reviendrait à 6€ ?

Un groupe de travail, mené par le sénateur Louis Nègre, a publié un livre vert sur les infrastructures de recharge ouvertes au public pour les véhicules "décarbonés". Il inclut une analyse économique qui conclut qu'une recharge en borne publique devrait coûter environ 50 centimes du KWh, en plus des 11cts du tarif standard de l'électricité.


Le coût d'un plein, selon le livre vert

Le coût des infrastructures de recharges publiques n'est pas nul. S'il faut le rentabiliser avec ce qu'en paieront les utilisateurs, l'étude aboutit à un prix allant de 13 à 36€ (suivant la vitesse de charge) pour un plein de 25kWh (environ 130km, 6 euros pour la recharge de l'Ampera). Cette différence s'explique par des différences au niveau du coût du matériel, mais également du raccordement, puisque le dispositions ne sont pas les mêmes suivant que l'ont doit fournir 3kW (charge normale) ou 43kW (charge rapide).
D'après l'étude, le cout sur 20 ans (matériel + travaux d'installation) est d'environ 10 000 euros pour un point de charge à vitesse normale, et 100 000 euros pour un point de charge rapide. Quant à l'abonnement électrique associé (sans les consommations), s'il reste réduit à 30 euros pour un point de charge à vitesse normale, il s'envole à près de 1000€ pour celui d'un point de charge rapide. Cela nous donne des coûts moyens annualisés de respectivement 500 et 6 000 €.

Le coût par recharge dépend ensuite du taux d'utilisation des bornes, et c'est sur ce point que l'on peut peut-être critiquer l'analyse du livre vert (basée sur un cas d'agglomération de 500 000 habitants), ou du moins la cohérence de ses calculs.
Pour le cas du point de charge à vitesse normale, l'étude considère que l'utilisateur quasi exclusif est un résident ne disposant pas de prise sans son garage, ou ne disposant pas de garage. Elle a tablé sur 35kWh par semaine, ce qui correspond à environ 175km, 35km par jour ouvré en moyenne. C'est cohérent tant que l'utilisateur en question ne part pas en week-end. A ce rythme, il consommera 1820 kWh sur l'année. Le coût de l'infrastructure revient dans ce cas à 27 centimes du kWh, soit pour un amortissement hypothétique pour un "plein" de 25 kWh d'un peu moins de 7 euros. Dès lors, on cherchera en vain ce qui a mené l'étude à annoncer les 13€ par plein...
Dans le cas d'un point de recharge rapide, l'étude table sur "3 à 6 pleins" par semaine. L'utilisateur ne serait pas un résident, mais plutôt un utilisateur de flotte, comme un taxi (on parle ici d'une borne en centre ville et non sur autoroute). Les pleins dans ce cas étant généralement quasi complets, l'étude a déterminé que la consommation hebdomadaire serait d'environ 150kWh. La consommation plus importante sur ce point de charge compenserait en partie l'écart important d'investissement, et on arrive à un coût infrastructure d'environ 77 cts / kWh. Le plein de 25kWh arrivant à 19euros. Là encore, il y a un écart avec le résultat affiché de l'étude (36€). On note que le coût infrastructure est tout de même plus de 2,7 fois plus élevé que pour une charge normale.
Que l'on refasse les calculs de l'étude ou qu'on les accepte, que peut-on en conclure?
Tout d'abord, le coût d'une charge normale peut varier. Quand on dispose d'une prise dans son garage ou à proximité, le coût infrastructure de la charge est négligeable (au pire, une rallonge électrique). Simplement parce que l'infrastructure a été mise en place au moment de la construction de l'habitation (pavillon, immeuble), et l'arrivée d'un véhicule électrique ne provoque pas de gros bouleversement de ce point de vue. Lorsque que le point de charge n'existe pas et qu'il faut le mettre en place, le coût n'est plus négligeable : il faut amener l'électricité à coté de l'emplacement de stationnement, et le point de charge -en lieu public- doit disposer de protections (vandalisme, identification...). Cela augmente le coût de la recharge bien au delà du seul prix de l'électricité, tutoyant ou dépassant le cout d'utilisation d'un véhicule thermique. L'étude conclut donc que la pénétration des véhicules électriques (purs ou hybrides rechargeables) dans les villes sera conditionné par le déploiment d'infrastructures subventionnées. On peut toutefois se poser la question de l'ampleur de la subvention nécessaire. En effet, une simple carte de stationnement résidentiel est facturé entre 10 et 15 euros par mois à Rouen, et elle ne donne aucune garantie de trouver une place de stationnement. Un parking dédié aux véhicules rechargeables, avec une possibilité de recharge et des places réservées aux abonnées peut tout à fait légitimer un prix 2 fois plus élevé. Tout en laissant les places restantes pour des utilisateurs occasionnels qui, eux paieraient le prix fort.
Ensuite, le coût des charges rapides est bien plus élevé que celui des charges normales. Pour les longs trajets, où le recours à ces charges rapides est indispensable, les véhicules électriques purs perdront donc leur avantage financier. Même à 19 euros le plein pour 130km, cela fait près de 10 litres d'essence à 2€. Sans compter qu'un charge même rapide prend encore 30 minutes, alors que faire le plein de l'Ampera ou de la Volt pour 500km prend moins de 10 minutes. Tout en étant utilisable en tout électrique sur les trajets quotidiens de la plupart des gens.
Merci à Didier pour son aide technique sur l'article

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Commentaires

Ce très intéressant article prouve une fois de plus que le véhicule purement électrique n'est pas si économique à l'usage dans certains cas, et pose toujours pas mal de problèmes de souplesse d'utilisation. Les hybrides comme l'ampéra sont donc l'avenir, à condition d'améliorer la consommation du générateur thermique.